FUTUR ACTUEL: Oser sa vie!

L'Etre et la Personnalité: nos filiations secrètes

Je me suis réveillée ce matin avec en tête un petit morceau d'une chanson que je n'avais plus entendue depuis l'adolescence, juste le refrain. Je l'ai cherchée et écoutée avec émotion. Retrouvant à mesure les paroles qu'à ma surprise je savais toujours, je me suis rendue compte qu'elles m'ont profondément influencée.

Chacun des vers est comme une prescription que je me suis attachée à suivre à la lettre. Et je l'avais oubliée ! Aznavour n'est pas un chanteur favori, ni maintenant, ni à l'époque, mais les mots, tous les mots de sa chanson, je les ai aimés, je les ai retenus, et puis, sans même le savoir, je me suis attachée à les vivre, à les incorporer à ma vie jusqu’à pouvoir les dire pour mon compte.

N'est-ce pas extraordinaire, notre capacité à élire dans la profusion du réel, les êtres, les idées, simplement les mots parfois, qui seront les balises de notre vie ?

Je me souviens d'une paysanne en Inde, qui avait plein son tablier de petits brins courts de cocos cardés, qu'elle roulait entre ses doigts avec une dextérité merveilleuse pour en faire de la ficelle. C'est de la même façon que nous avons su distinguer et saisir au vol tout au long de l'enfance et de l'existence, des modèles, des personnes ressources, des principes, des brins d'expérience, dont nous avons tressé le fil de notre vie. Nos filiations.

La paysanne indienne nous montra aussi comment sa ficelle roulée pouvait s'effilocher facilement, juste en tirant dessus, mais que lorsqu’elle était retordue sur elle-même, elle était à l'épreuve des poids les plus lourds. Ainsi est pour nous l'art de retordre notre expérience sur elle même, en la repensant, en la narrant à nouveau, à la lumière de la maturité.

Pourquoi ai-je, à 18 ou 19 ans, saisi et décidé de garder dans un coin secret de ma mémoire les maîtres-mots de cette chanson, et même le titre du feuilleton dont elle accompagnait le générique: La Lumière des Justes, d'après le roman de Troyat que j'avais lu plusieurs années auparavant. "La lumière des Justes"... Les justes diffusent donc une lumière spéciale qui éclaire le monde ? Qui est un Juste ? Dans quel sens ? De quelle justice s'agi-t-il ?

Une vie pour répondre à ces questions, pas même posées, à peine induites par une phrase, un titre, le mystère de quelques mots au sens scellé.  Pourquoi les avais-je choisis entre les milliers qui m'atteignaient chaque jour de ma jeune vie ? Tandis que je les oubliais ensuite, mon être lui, s'appliquait à les mettre inlassablement au centre de ma vie et à me faire souffrir chaque fois qu'ignorante de sa loi, aveugle à l'évidence, sourde à mes désirs profonds, je m'éloignait de ce centre pour satisfaire les désirs bien légitimes de ma personnalité.

Car en nous, c'est l'être qui opère ce genre de choix, c'est lui qui se fait entendre, qui se qualifie soudain, hors des préférences, des influences ou des déterminismes qui forgent notre personnalité. En nous l'Etre et la Personnalité n'ont pas les mêmes rythmes, les mêmes penchants, ni ne poursuivent les mêmes buts.

Notre personnalité, elle est d'abord le résultat de ce que notre culture, notre milieu, nos proches ont voulu de nous, et ce que nous avons pu leur en accorder, parfois au prix d'énormes efforts, en échange de l'amour et de l'appartenance dont nous avions absolument besoin pour grandir. Puis nous l'avons forgée par nos choix, par nos actions, par les images précieuses auxquelles nous avons voulu que notre vie ressemble. Auxquelles nous avons même presque tout donné pour que notre vie  ressemble : un amour, un couple, une famille, une maison, un métier, une réussite ... Que n'avons-nous payé comme tribut à ces images ! Notre personnalité est toute pétrie de ces combats parfois sanglants, victoires et défaites confondues.

Notre être lui, nous a parlé tout ce temps, d'une petite voix qu'il faut faire silence et tendre l'oreille pour entendre. Il nous a parlé de ce que nous sommes vraiment, de la vraie place qui est la nôtre, de notre beauté unique, de la mission que nous serions en mesure d'accomplir si seulement nous parvenons à voir assez clair pour la découvrir avant qu'il ne soit trop tard, la découvrir maintenant, "tant que nous avons encore de la lumière" comme préscrivaient Sainte beuve, Mauriac, Proust...et les évangiles.

En écoutant à nouveau cette chanson ce matin, j'ai été admirative du programme qu'elle contient: mourir et renaitre à moi-même, fleurir infatigablement; me connaître et parler couramment ma langue à moi, par ma voix; avoir le 1er rôle dans ma propre vie; saisir par miracle d'éblouissantes bribes des structures cachées du monde; humer les subtils courants de mon temps et sentir passer parfois sur ma vie, l'aile majestueuse des siècles...

Et puis encore, mettre les cents façons d'aimer au centre. Echapper aux lieux communs de l'amour, de la fidélité, du sexe. Echapper au chantage de toutes les conventions "ménagées tout au long de la vie comme des abris publics" ainsi que le disait déjà Rilke il y a plus de 100 ans. Accepter de me montrer vulérable, "les givres de mon coeur" éteincelant en pleine lumière. Chercher ma vérité, celle de l'autre, chercher l'Union, la divine intimité que seuls, peuvent vivre ensemble de véritables pairs.

Etre et personnalité enfin réunis, danser ma propre danse et aucune autre. Tout le programme était déjà fait, résumé dans cette chanson-source et dans tant d'autres brins de sens dont j'ai rempli mon tablier au long de mon chemin et tressé le fil de mes jours...

Pour les curieux : La chanson et les paroles

 

Être, renaître ma naissance

Dans une aube de craie

Sous la lune de sang

Aux termes d'un hiver mourant

Être, émerger du silence

Voir briller au soleil

Les givres de mon cœur

Présage d'un printemps meilleur

Être le fruit et la semence

Dans un sol épuisé

Et fleurir en exil

Comme un arbre éclatant d'avril

Être, apprendre à me connaître

Garder les yeux ouverts

Et n'être rien qu'un être

De chair

Pour aimer jusqu'à la mort

Et au-delà peut-être

Être l'âme séparée du corps

Pour aimer jusqu'à la mort

Même au-delà encore

Être la voix de mes naufrages

Le verbe retrouvé

Lavé de tout défaut

Epousant le chemin des mots

Être, échapper au chantage

De tous les lieux communs

Eteindre mes volcans

Dompter et chevaucher mon temps

Être le geste qui engage

L'avenir repensé

Artisan du retour

Au simple rituel d'amour

Être, mourir pour mieux renaître

Des mensonges d'antan

Et n'être rien qu'un être

Vivant

Pour aimer jusqu'à la mort

Et au-delà peut-être

Être l'âme séparée du corps

Pour aimer jusqu'à la mort

Même au-delà encore 

Oser !

Vouloir avancer, vouloir une vie plus belle,

plus riche, une vie avec du sens et de la joie, où on se lève chaque jour pour faire des choses importantes pour soi et pour les autres... Quand on s'est mis en chemin dans cette direction, on ne peut plus revenir en arrière, ce serait un échec, une trahison envers le meilleur de soi-même !

Et pourtant, pourtant...

qui n'a pas vécu devant l'obstacle cette panique qui coupe le souffle, ce recul intime de tout l'être confronté à ses peurs, qui au moment d'agir ne peut plus faire, ne serait-ce qu'un seul pas. Je connais un conte soufi qui a un drôle de nom : Mushkil Guscha, que j'ai entendu souvent Jean Pascal conter, qui parle de ce pas (entre bien d'autres choses, un conte est si riche !). 

C'est l'histoire d'un pauvre bucheron,

qui en a assez de bucher. Mais en voulant précisément avoir une vie meilleure, voilà qu'il n'a réussi qu'à se plonger jusqu'au cou dans les pires ennuis. Parce que c'est toujours ce qui arrive, n'est-ce pas ? Dès que notre ambition s'élève, dès qu'on commence à savoir ce qu'on veut et qu'on cherche à l'obtenir, les problèmes
commencent : notre entourage est mécontent, la vie résiste, les évènements se précipitent jusqu'au vertige et nous nous retrouvons dans une situation qui a l'air pire qu'avant !  

Notre pauvre diable, quant à lui,

de naïvetés en mécomptes, d'inadvertances en mésaventures, ne sais plus que faire pour s'en sortir. En voulant améliorer sa vie, même pas pour lui d'ailleurs, mais pour sa fille, car c'est souvent pour ceux qu'on aime qu'on se jette dans l'aventure d'une meilleure vie, le voilà rendu à être presque mis en prison ! Il est plutôt dans une mélasse noire quand il entend soudain une voix lui chuchoter :
   
- Ferme les yeux et monte une marche!

Qu'est-ce que c'est que cette voix ?

se demande l'homme en regardant autour de lui ( je vous fais remarquer que ce n'est pas la bonne question car "quand le sage montre la lune, l'imbécile regarde le doigt", comme dit le bon sens populaire !). J'ai déjà un tas d'ennuis, se dit-il, je ne vais pas mettre les pieds n'importe où, en plus !
 
- Ferme les yeux et monte une marche ! répète la voix.

Mais enfin ! crie l'homme

à cette voix qui vient de nulle part, quelle marche ?! Il n'y a même pas d'escalier !
C'est à peu près aussi ce qu'on dit quand au milieu des pires moments de doute ou de choix, les idées baroques que nous suggère notre inspiration ne nous semblent pas, mais pas du tout "la bonne idée", "la bonne façon d'y arriver"!

- Ferme les yeux et monte une marche ! insiste la voix.
Le désespéré n'ayant plus rien à perdre et ne craignant donc même plus le ridicule, posa alors son pied dans le vide...

Et une volée de marches apparu

devant lui, qu'il monta, médusé...Tout en haut l'attendait dans un désert un tas de cailloux, dont il mit encore un temps considérable à se rendre compte que c'était des gemmes précieuses. Ce qu'on fait nous aussi, car ce que nous rencontrons sur la route aride du changement, nous n'en reconnaissons pas tout de suite la valeur. Ainsi commença l'épopée de son destin que détaille ensuite le conte,

par un pas dans le vide !

Je rapproche cette idée de ce que Clarissa écrivait à propos de quiconque s'engage sur la voie de sa réalisation : en substance, qu'il y a toujours un morceau du chemin qui manque, un endroit non balisé qui, plutôt que la sureté du pied, que l'accuité du regard, que la prudence de l'intelligence, demande la foi qui vient du coeur. Si on fait ce pas de la foi, ce pas dans le vide... "quelque chose" nous attend toujours de l'autre côté, qu'on ne peut ni prévoir, ni imaginer à l'avance. Quelque chose sur quoi poser le pied pour pouvoir continuer : une rencontre, un incident, une opportunité, une simple petite idée. Ou encore les quelques lignes d'un ami...

C'est ce que je me répète depuis hier,
avec une foi retrouvée,
depuis que j'ai découverts dans ma boite mail...

ces 1,25mn de foi envoyées par Fréderic

 

Reférences photo sur mon profil weheartit

"Quel est mon désir ?"

Ma vie est un conte:

La question magique
de la Reine des Grenouilles

Dans les contes de fées, 

il y a souvent 3 frères. L'ainé, l'intelligent, celui qui manoeuvre pour hériter du royaume de son père le roi. Il représente notre force mentale qui a toujours des intrigues en réserve pour arriver à ses fins. Il y a aussi le second frère, batailleur et pourfendeur, qui a ses muscles, son endurance et son esprit d'initiative pour supplanter son aîné et prétendre avec ça diriger lui-même le royaume. Il ne réfléchit pas, il fonce ! Il représente notre force d'action, qui n'a pas besoin d'avoir raison ni d'être juste dans la vie, mais de gagner en agissant !

Et puis il y a le 3ème frère.

Celui là, c'est le petit dernier, celui qu'on ne pense même pas à consulter et qui ne pense même pas à s'en formaliser. Il marche toujours seul, le nez en l'air, un sourire heureux flottant sur ses lèvres encore enfantines: littéralement, il bat la campagne ! D'ailleurs, si tout le monde l'appelle Le Simplet, c'est parce que ce qu'il fait, il le fait... tout simplement ! Quand il faut agir, il oublie qu'il a une tête ou des jambes, il pense avec son coeur. Il représente notre force d'amour.

Quand il faut décrocher la lune,

il n'enfourche pas son cheval: il ouvre ses mains nues et avoue son impuissance, avec des larmes d'amour dans les yeux. Il voudrait tellement ! De toute son âme! Mais il est comme vous et moi, si petit, si faible ! En réalité, il est assez conscient de son insignifiance pour ne pas imaginer réussir sur ses propres forces. Son intelligence ou ses muscles ne lui semblent pas grand chose. Il a donc l'humilité de demander de l'aide. Et à qui confie-il sa fortune ?

A la Chance, au Hasard, à la Providence...

qui sont les petits noms badins du TOUT POSSIBLE ! Je connais un roi (celui des Trois Plumes, de Grimm) qui avait trois fils et ne savait pas lequel choisir pour lui succéder: valait-il mieux l'intelligent, le fort, ou bien le jeune Simplet ? Pour les départager, il leur demanda de lui rapporter "le plus fin tapis" du monde, et pour indiquer à chacun une direction où chercher, le père lança en l'air 3 plumes blanches. Le plus malin des princes partit vers la droite, le plus costaud vers la gauche. Sa plume étant tombée à ses pieds, le Simplet resta sur place, tout seul, à contempler son destin en se demandant comment trouver "le plus fin tapis" pour son père.

Au bout d'un moment,

il remarqua entre les pavés, une mince rainure qui délimitait une dalle. Dessous, voilà qu'un escalier s'enfonçait dans le sol ! Il l'emprunta, descendit plusieurs volées de marches et arriva enfin devant une porte. Il frappa et une voix lui demanda qui il était.  -Je suis le fils du roi ! Alors la porte s'ouvrit. La magestueuse Reine des Grenouille se tenait en personne devant lui et lui posa une question, une seule, mais une question...vraiment magique !

- Quel est ton désir ? lui dit-elle. 

Quand il eu dit ce qu'il désirait, la Reine des Grenouille donna un ordre dans sa langue grenouillère et on aporta au Simplet "le plus fin tapis du monde", car c'est ici qu'il se trouvait.

Chaque fois que nous nous sentons démunis

face à un chagrin, un défi, un obstacle, les mille façons de devoir "rapporter le plus fin tapis", la tête agite ses neurones pour trouver des solutions intelligentes et bien rationnelles. Pendant ce temps, le corps piaffe d'impatience de tous ces attermoiements et ne demande qu'une chose: agir ! Faire quelque chose ! C'est alors qu'il faut interroger son coeur avec simplicité et sous la forme de cette question si anodine: "Quel est mon désir ?".

Dans une circonstance cruelle de ma vie,

tandis que des deuils me frappaient, la Providence à laquelle mon désarroi me confiait, pris la forme d'une amie conteuse (et fée, certainement !). Elle m'appelait chaque jour pour me poser la "question magique de la Reine des Grenouilles". Et chaque jour, au milieu de l'affolement, du chagrin, du découragement, des intentions qui tiraient dans un sens et des nécessités qui tiraient dans un autre, se tenait à mes pieds comme la plume du Simplet, ce point fixe, cette question qui me ramenait au centre, à mon centre, à moi-même sur mon chemin: "Quel est mon désir ?"

Mon amie ne raccrochait pas

avant que j'ai trouvé chaque matin ce qui tout le jour me nourrirait, me tiendrait debout et vivante au milieu des décombres de mon existence, animée de ce carburant indispensable et volatil: le désir. De quoi j'avais envie, ce qui me ferait plaisir, à moi, à moi seule, égoïstement: une promenade sur la plage au crépuscule? Un thé avec des scones et du beurre salé ? Un beau conte de fée ? Une bouillabaisse ? Un tour dans les colines que les cistes sauvages fardaient de rose en cette saison ? Un feuilleton romantique ? Un livre nouveau ?

Ce que je désirais alors

profondément n'avait rien à voir avec le raisonnable ou l'urgent que tous les miens et mon propre bon sens me conseillaient. Ce désir, désir de vivre et d'être ce que je suis en réalité, je suis allé le cherché si loin en moi jour après jour, dans le royaume souterrain de mon inconscient, par la grâce de cette petite question, que ce que m'a donné la Reine des Grenouille me nourrit encore, des années après. Grâce à son cadeau, j'ai hérité tout un royaume : contes, mythes, images immémoriales, joyaux de l'âme humaine, trésors de la psyché gisants dans la poussière des siècles, nourritures des êtres et de tout ce qui veut vivre, recettes de sages qui cuisinent les mots et font lever la pâte de l'avenir...Toute ma vie d'aujourd'hui... 

Merci à la Reine des Grenouille !

Vivre la métaphore au quotidien

Ma vie est un conte:

Le monde du dessus et
le monde du dessous

  Il fait beau dehors, c'est samedi.

Ce matin les fruits et les légumes du marché Poncelet me font de l'oeil. L'air est vif mais pas méchant, et aux terrasses des cafés il ressemble presque aux premiers sourires aigrelets du printemps. Je note en passant qu'il y a des cèpes à 29,90 et les mêmes à 49,90, un peu plus loin. Et en levant le nez sur les étiquettes d'ardoise, ce que je vois ce sont des bois connus de moi où des cèpes gratuits, les cèpes du bon Dieu, cachent modestement sous les myrtilles sauvages leurs trésors de saveurs. Je note aussi sur les étals, à côté de clémentines racontant déjà Noël et le gui de l'an nouveau, des melons, des fraises et des framboises désaisonnées, qui déboussolent jusqu'à l'envie. 

Je vois tout cela,

je sens, je vis, je jouis du matin frais et de la buée bleue sur les cassis, je réponds à la cordiale fromagère, je marche, je ferme mon manteau et garantis mon cou contre le petit ventelet coulant des ruelles...mais en réalité je ne suis pas là...

Où je suis?

Eh bien, je suis dans un conte,

qui parle de cette fille obligée par sa marâtre à se jeter dans le puits pour récupérer sa quenouille. Ou bien, je suis dans cet autre où vit cette princesse, tellement fière qu'elle ne trouvait jamais aucun roi assez noble pour elle, et que son père finit par marier au premier mendiant venu. Je suis dans cet autre conte encore, où la reine mettait à l'épreuve ses prétendants du haut de sa tour et leur coupait la tête au matin, jusqu'à rencontrer celui qu'elle est bien obligée d'épouser.

Voilà, je me sens comme cette jeune fille

désespérée, qui se jette à l'eau et trouve au fond du puits l'accès à un monde de richesses merveilleuses. Comme cette autre précipitée du haut de sa grandeur dans les affres de la plus humiliante réalité, où elle pourra enfin découvrir qui elle est. Comme cette dernière princesse qui, ayant trouvé plus fort qu'elle, abandonne enfin la tour de perfection stérile où elle se serait étiolée, et se met à vivre avec son époux digne d'elle.

Pourquoi je pense à elles?

Parce que je suis en train de vivre ce que ces héroïnes vivent: le saut dans l'inconnu. Ces contes nous parlent tous trois de la même choses: du passage à l'action, du pont étroit et périlleux du rêve à la réalité, avec la sensation de vide fatal qui l'accompagne. Quand je dis que je me lance, c'est comme elles que je le fais, avec ce même sentiment de "bruler ses vaisseaux", d'avancer en non retour. Pour moi, l'inconnu, c'est l'imperfection! Le pire ! Je me prescris le pire ! J'épouse un mendiant, je dégringole dans le puits! Voilà ce que je suis en train de vivre tandis que j'achète mon choux fleur ce matin!

C'est ainsi que je suis, comme toujours,

dans ma réalité quotidienne et en même temps dans la réalité de la métaphore, une réalité qui se vit dans le "monde d'en-dessous", le monde intérieur. Ce monde, qui résonne à toute image, à tout symbole, à toute parabole, en ce moment est peuplé pour moi de personnages et de dieux. Bien plus qu'avec mes enfants et mes amis, je suis avec des héroïnes de l'Histoire ancienne, de contes, ou des déesses grecques qui ressemblent si fort à des femmes que je croisent tous les jours, et me ressemblent comme des soeurs ainées qui n'auraient que 4000 ans de plus que moi.

Je baigne dans la gestation de ce projet que je porte,

cette formation ambitieuse sur le Masculin-Féminin, qui est en train de naître de moi mais aussi, exactement comme un enfant, de naître de lui-même. J'ai l'impression que je ne fais qu'accoucher d'un être qui a décidé de venir au jour et de vivre. Je me suis jetée à l'eau, parce que le temps en est venu, et non parce que je me sens prête, armée, solide, sachante, expérimentée, mûre. Pas du tout! J'y vais, comme le bébé pour qui l'heure est venue, parce qu'une force obscure, mystérieuse et tellurique, en a décidé ainsi.

Dans ce cas, tout retard met la vie en péril.
Il faut y aller...

Chemin de traverse

La vie est un conte:

Joie du magnolia

Un matin de cette semaine, j'ai fait mon petit chaperon rouge! Parfaitement!

Traverser la forêt par devoir

J’ai du traverser en train pour mes affaires, une partie de ce Vexin Français où j’ai habité longtemps, escortée tout du long par la grâce d'un joli mois de mars, ma foi! Le tout jeune printemps m’a saluée, en bon « garde barrière » comme dans une chanson de Prévert. En passant, j’admirais les taches claires des prunus et les vergers aux pommiers précocement touchés de blanc. Et voilà que la corvée d'un aller retour sans grand intérêt s'est transformée en joyeuse célébration. Je me trouvais comme Le Petit Chaperon Rouge qui se laisse heureusement entraîner à ouvrir tout grand ses yeux et ses sens pour profiter à son aise de l'instant, de la beauté à sa portée.

Parler avec le loup en chemin

Ce que nous apprend ce conte, (entre autres choses intéressantes que je ne développe pas là) c'est que l'objectif n'est pas tout! Le chemin et ses trésors sont là pour nous ressourcer et nourrir notre inspiration. C'est vrai que buts et résultats de mon voyage avaient bel et bien disparus pour moi comme la grand-mère dans le ventre du loup, au profit du plaisir inattendu de me remettre en contact avec la saison. Je me suis sentie instantanément bien et remplie, et j'ai commencé à faire des liens entre plein de choses qui se présentaient à mon esprit. 

Cueillir un beau bouquet sans permission

De loin, j’ai vu un magnolia au fond du petit jardin de derrière d’une modeste maison, qu’il emplissait presque entièrement, comme une grosse  barbe-à-papa rose dans un bocal, bien quenouillé sur ses trois troncs noirs, aussi large, ample et mousseux qu’un ciel d’aurore par Poussin. Sur ces magnolias, les fleurs sortent d’abord sur les bois noirs, nus encore de l’hiver, qu’elles couvrent comme une nuée soudain abattue de grands papillons aux ailes pâles et rosissantes, découpés dans le goût japonais sur l’herbe neuve. Dans un mois, la feuillaison sera commencée: l’arbre se couvrira par dessus sa chair nacrée et douce, une sensuelle fourrure claire, de la couleur exacte du matin, qui ne verdira pas tout de suite. 

Vivre une expérience enrichissante

C'est bon de prendre les chemins de traverse, c'est à dire ceux de la contemplation, de l'imagination, de la rêverie "inutile". Et c'est la sensorialité qui nous y donne accès. Voir, écouter, toucher, respirer, goûter: "il ne faut jamais s'en priver", me disait ce matin un de mes clients qui s'y connait en chemins de traverse (et qui lit mes pages parait-il!). Il a raison, car c'est là que gît la joie qui en quelques instants, est seule capable de nous redonner l'énergie d'affronter tout ce qui n'est pas elle. C'est là, dans l'attention donnée à ces instants volés que réside le secret de l'énergie de vivre qui ne tari jamais, et de l'inspiration. Ils sont gratuits: le loup ne fait pas payer l'entrée de son parc d'attraction, vaste comme l'univers.

Prenons au moins un chemin de traverse par jour!

Source photos Weheartit

Secret et mystère

La vie est un conte: 

La part du voile

Source photos Weheartit

J'aime beaucoup la notion de mystère. C'est une notion à part, dont on sent intuitivement l'importance. Comme s'il fallait lui faire sans discuter une place privilégiée. Je ne dis pas que nous le fassions toujours, loin de là, dans un monde qui semble livré à la dissection la plus brutale. Mais nous sentons que nous devrions le faire. 

Le secret crie et se débat comme un animal captif. Il peut toujours être découvert, ne serait-ce que par le malaise (conscient ou non) qu'il produit toujours. D'ailleurs dans les contes, les roseaux qui poussent à l'endroit d'un crime se chargent bien vite d'en disperser le secret aux quatre vents.  Ainsi fait également chez une personne tout ce qui à été refoulé, oublié, "tué", et se manifeste en actes manqués, lapsus ou incidents. Quand ce n'est pas pire: symptômes, accidents, maladies du corps ou de l'âme. Le secret dévaste, et continue de dévaster même après que plus personne ne sache qu'il y avait là un secret. C'est parce qu'il demande avec force à être découvert.

Le mystère, quant à lui, parle bas, mais on l'entend toujours. Il ne crie ni ne mord, mais il danse, vole, plane. Il exsude sa propre atmosphère et commande un respect dont, si nous l'écoutons, nous pouvons retrouver en nous l'instinct: ce sens du sacré qui nous a mis à part, nous humains, dans toute la création et que nous perdons.  Le mystère ne s'agite pas confusément comme fait une chose cachée. Il est PRESENT, c'est tout. C'est lui qui se manifeste devant un beau paysage, une oeuvre émouvante, un moment de grâce. Quand je suis en face d'un être, il est là. C'est lui qui flotte entre nous, le mystère de cette personne unique, le mystère de ce qui l'a guidée à devenir ce qu'elle est. Le mystère des milliers de choix intimes qui y ont présidé et, jour après jour, ont déterminé la forme de son caractère, tout ce qui gît dans son oeil, dans le regard qu'elle pose sur le monde et sur moi en face d'elle. Et puis mon propre mystère pour rencontrer le sien.

Un mystère garde une notion de polysémie et d'infini. Et puis de voile. On n'en a jamais fini de l'effeuiller, mais toujours il se dérobe. Il peut être approfondi, encore, et encore, et encore, sans que nul ne puisse prétendre en épuiser la profondeur, en vaincre le fond ultime. Les êtres sont des mystères.

Les contes sont souvent des sortes d'énigmes. On peut les deviner, je m'y essaye, mais avec humilité. Car quelqu'un viendra toujours, demain ou dans un autre temps, qui sera fier, comme je le suis parfois, de lui ravir encore un voile, sans en cueillir pourtant la source enchantée d'où lui viennent son immortalité et le chiffre de son origine. Le sens dernier du conte n'existe pas. Il est toujours à découvrir. il nous tient en haleine, nous, créatures du verbe, parce qu'aucun mot, jamais, n'en vient à bout. 

Le mystère, c'est l'inépuisable. Les contes sont des mystères, comme les créatures et pour les mêmes raisons:

c'est qu'ils sont vivants.

Photo de Sarah Moon, photographe du mystère, dont les images me fascinent et m'inspirent depuis l'enfance.

Question du conte et question au conte

La vie est un conte:

Le petit chaperon Rouge

Merci de ta question, Christie, qui me fait réfléchir sur "la manière dont je questionne les contes". Au retour d'une fête d'anniversaire, c'est un sujet qui m'inspire et je te réponds à 2 heures du matin! Mais dans une note, parce que ça déborde carrément du commentaire!

C'est le conte plutôt qui me questionne. Je le choisis au hasard et je le contemple, tout en faisant plein d'autres choses au long de la journée. Ou bien au contraire une chose arrive et me fait penser à un conte en particulier. Je vais le chercher pour fouiller dedans. Je balaye le conte en attention flottante, comme s'il parlait en langage codé (comme les rêves) dont je perçois des bribes. Si je focalise trop, même les bribes perdent leur sens. Je le parcours en navigant dans ses niveaux diférents: l'anecdote d'une part, d'autre part l'idée que tous les personnages représentent des aspects d'une seule et même psyché. Puis le niveau du "mode d'emploi", c'est à dire la solution que le conte propose. Et encore, parfois, quand il veut bien s'ouvrir pour moi,  un dernier niveau qui est la "voie" (spirituelle) que le conte indique ou commente à sa façon cachée. 

A chaque fois, en tout cas, j'y trouve du nouveau, qui s'ajoute à ce que j'en ai déjà lu, à ce que d'autres (illustres interprètes comme Jean-Pascal Debailleul, Jung ou Bettelheim ) en ont dit. Comme je suis plutôt lente, le sens a besoin de descendre très doucement dans mon percolateur personnel et de m'imprégner complètement l'âme, avant de remonter et d'être utilisable à l'extérieur sous forme d'une métaphore ou d'une image archétype.     

    Aujourd'hui, j'ai posé l'hypothèse dans le métro jusqu'à mon bureau, que "Le Petit Chaperon Rouge" raconte peut-être un Processus de Création type: la manière dont pour créer, il faut revisiter sans crainte (la mère représente ces craintes et a priori) le connu (la grand-mère) en laissant libre cours à sa fantaisie la plus débridée (le loup) sans avoir peur de pousser jusqu'au non-sens (la dévoration), car une instance gardienne de la psyché (le chasseur) est parfaitement capable de remettre tout en ordre le moment venu. (Ca pourrait s'appliquer à la manière dont un Picasso par exemple, s'empare du connu, réalité ou oeuvres d'autres peintres, pour le tordre sans peur et retomber sur ses pieds ensuite.)

Dans l'aventure de ce conte, chacun sort gagnant et ayant acquis une expérience riche et transformante. Sauf le loup ( représentant l'énergie de création qui permet le saut créatif) qui est dépecé. Il n'a plus lieu d'être puisque sa substance subversive est passée dans le vécu des personnages pour les transformer. Cette lecture rejoint d'autres contes parlant du processus de renouveau des idées, souvent associé au cycle du soleil, qui disparait (comme le petit chaperon rouge et la grand mère, dévoré non par le loup mais par la mer chaque soir) et renait tout neuf au matin.

Voilà, les contes suivent leur route, se cachent, se ferment ou offrent leurs secrets et parfois la lumière qui se fait est magnifique. En tout cas je baigne dedans, c'est un bonheur!

 

La vie est un conte!

la Maison forestière

        J'essaye d'écouter ou je de lire un conte par jour, c’est le minimum pour ne pas perdre le contact avec le monde spécial des archétypes. Ou plutôt avec son décodage, car le monde des archétypes est simplement le nôtre! Nous y baignons comme le poisson baigne dans l'eau, sans la voir!

    Sous ses dehors anodins, un conte de fées met en scène un passage obligé de la vie humaine, et surtout, donne l'indication pour passer!

     La vie se présente toujours ainsi : des événements, des passages obligés, des épreuves, des chances…et pas le moindre mode d’emploi pour s’en servir! Les contes, qui sont un véritable trésor de sagesse, nous enseignent comment faire.        "La maison forestière", nous donne un mode d'emploi important : quand on a le ballon, comment marquer le but! En d’autres termes quand une opportunité se présente, comment on la transforme en réussite? 

 C'est un conte de Grimm, l’histoire d’une jeune fille égarée dans la forêt . Comme elle n’est pas bête, elle trouve refuge dans une petite maison forestière. Là, il lui est demandé en échange de l’hospitalité, de préparer le repas et de faire le lit. Rien de bien compliqué et elle s’en acquitte plutôt pas mal, et pourtant…  Pourtant, le maître des lieux la précipite par une trappe à la cave!!! 

     Incroyable! pourquoi ? Pourquoi ? Décoder le conte nous montre pourquoi, ayant pourtant fait ce qu’on lui demandait, cette pauvre fille est passée à la trappe!  Parce que c'est bien comme ça que ça se passe quand il s'agit d'attraper sa chance!   Répondre à ce qui est demandé explicitement, oui...mais ça ne suffit pas! Quand la vie vous passe le ballon, pour marquer, il faut:

Elargir sa vision et comprendre avec son coeur dans quelle partie on joue ! 

 Et ça, ça s'apprend!

 

     Si ce point de vue vous intéresse et que vous voulez apprendre, vous aussi, à attraper votre chance parmi le foisonnement des opportunités que vous offre votre vie, j'ai créé un séminaire "Une journée, un conte un déclic" sur ce sujet. Inscrivez vous en me contactant. La formation s'appelle :

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