Quelqu'un m'a dit cette semaine que la France est comme "le jardin d'agrément du monde". Comme ça m'a semblé juste ! J'ai traversé la France au moment le plus délicieux de l'année, quand la toute jeune saison veloute de tendresse les paysages de notre beau pays. J'ai profité à travers la fenêtre du train des meilleures heures de la fin du jour sur les doux moutonnements verts, où l'écume des fruitiers et des prunus en fleurs, tard dans la soirée, restitue encore les dernières lueurs alors que le ciel est déjà noir.
Mais à l'arrivée, mon village est sous la pluie, le ciel gronde, ma glycine est par terre et me fait un ravissant tapis d'accueil. Dans les ruelles escarpées, l'eau en petits torrents cascadant sur toutes les marches et toutes les pentes, charrie les pétales pastels des fleurs saccagées par le dernier orage.
Le printemps d'ici est fantasque, toujours prêt à nous montrer (comme c'est son rôle) que rien n'est acquis, qu'il faut savoir attendre et mériter son plaisir. Comment ça, attendre ? Il y a des fleurs partout, les kumquats sont bons à croquer dans le jardin de mon voisin anglais, le jasmin dresse ses délicats boutons lancéolés sur la moindre grille, au milieu du fouillis plumeux de son feuillage. Attendre quoi ? Les roses promettent et certain églantier soufré de ma connaissance est même entièrement ouvert, l'imprudent ! Les seringas sont à leur maximum, une nouvelle risée nuptiale embue déjà les orangers alors que les marmelades de l'hiver sont tout juste rangées sur l'étagère.
Mais que le vent tourne, et aussitôt il fait un froid aigre qui nous semble bien injuste, tandis qu'un nouveau grain immérité nous fait rentrer vite, vite, boire un thé bien chaud. Voilà bien ce qu'il faut attendre : le printemps, précisément ! Le Printemps se refuse, c'est son métier ! Comme une jolie coquette trop parée qui n'accorde qu'une moue maussade à ses prétendants pour les rendre fous, il se fait attendre. C'est pourquoi il attise toujours le désir, pas seulement parce que les femmes recommencent à embellir les rues !
Est-ce que la vie va vraiment renaître ? Ou est-ce que les démons de l'hiver vont gagner cette fois ? se demandaient anxieusement nos primitifs ancêtres dans les forets et les grottes, après le long hiver de disette. Et c'est toujours ce qui nous inquiète, même si on se dit plutôt : "Est-ce que les vacances de Pâques vont être vraiment pourries de bout en bout ? Est-ce qu'on va devoir remettre les manteaux, ou quoi ?".
Si vous êtes habitués de ce blog, vous savez qu'au fond, ce printemps qui lutte est l'image-archétype de tout changement, de tout renouveau. Cette indécision du temps nous ramène à ce qui autour de nous dans nos vies, à ce qui en nous aussi veut naître, veut changer, veut percer le gris de l'ancien et gagner de nouvelles couleurs, et qui pour y parvenir doit affronter les vents contraires, assumer maints reculs et revers cuisants, ne pas se décourager, faire fi même des trahisons pour avancer...
Et n'est jamais sûr de gagner... Le printemps nous parle du héros plein de sève et de désir, qui en chacun de nous lutte pour faire triompher dans notre vie
le neuf ...
J'ai déjà traité ce thème, je sais, je sais, mais jamais exactement comme ça !
"Encore une fois mais de façon nouvelle",
ça, c'est l'essence même du Printemps !
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