Ce n’est qu’en réalisant une chose avec son cœur qu’on peut en tenir compte. C'est le centre de mon métier d'accompagnante d'aider les personnes à faire ce chemin. Et ca passe par une narration, par la façon dont on se raconte les choses, dont on se raconte une nouvelle histoire sur une chose rebattue de notre vie. C'est un travail de chercheur d'or, qui s'attache à extraire non pas la vérité, mais UNE vérité précieuse de sa gangue, la vérité qui contient pour un être un principe positif, la vérité qui va l'aider, le réorienter, le pousser vers la vie, faire du neuf, renouveler.
C’est toujours notre regard qui crée les choses, au moins pour moitié. Je vois ce qui est, mais c’est moi qui le vois. Et alors je vois comme je suis, comme est mon être : lent, profond, intense, grave et avide de sens. Je vois ce qui est de tout mon cœur, avec les yeux de mon cœur, c'est pourquoi je ne peux pas juger. Nous sommes souvent enfermés dans des jugements qui nous empêchent de voir. Le jugement est comme la roche qui emprisonne le filon, il faut l'effriter doucement.
Avec la vérité de mon âme, je ne peux pas juger : même le laid est admirable parce que je le crée en le regardant, en voulant le comprendre, le relier, le rendre intelligible pour moi-même. Je ne peux pas porter un jugement moral sur ce que je suis occupée à peindre à l’intérieur de moi. Je ne peux que le regarder ardemment, le questionner sans fin, en formant une prière pour que ce que je regarde, paysage, objet, idée, être humain, se laisse connaître...
Quand le miracle se produit, il me semble toujours que ce que je considère s’est ouvert pour moi et m’a livré son secret. Mais il n’en est pas du tout ainsi : c’est moi, c’est mon âme qui s’est entr’ouverte et a laissé pénétrer un peu de sens, une infime portion du monde. Alors je me creuse, je m’oublie, je disparais, abîmée dans l’attente d’un processus qui me dépasse et dont je ne suis que le siège : un peu de vérité va entrer en moi.
Un peu de cet immense chaos qu’est le monde extérieur va trouver un équivalent dans l’immense chaos d’une âme et devenir, dedans et dehors, un peu de cosmos. Un atome de conscience va naître dans un être humain, monter à son regard et être restitué au monde. Lui et le monde en seront également transfigurés. Mon métier consiste à prendre quelqu'un par la main et à l'emmener sur ce chemin revisiter en chercheur d'or ce qui le concerne et lui pose problème, à la rencontre de quelques cailloux de sa route qu'un nouveau regard transformera en précieuse expérience.
Nos désirs, nos passions, nos peurs, nos jugements nous bouchent les yeux et les oreilles de l’âme. C'est pourquoi la distance qui sépare la tête du cœur est immense, 10, 20, 40 années...? Parfois l'espace d'une vie ne suffit pas... Mais parfois aussi, par grâce, on peut la franchir ensemble en une heure, car le sens ne connait pas la distance ni le temps, il jaillit à l'instant, ici et maintenant...et plus rien n'est pareil ! C'est pourquoi j'aime tant mon rôle modeste, mais béni d'accompagnante...
Très beau!
Rédigé par : Blanche De Castille | 26/04/2013 à 13h44