Il fait beau, il fait presque beau. Le printemps est à la porte. L'envie de voir les toutes premières roses revient, comme un prurit de saison, comme un rhume de coeur qui pique le nez et mouille les yeux. Zut ! C'est aussi l'envie de la fraicheur du matin dans le jardin encore un peu ensommeillé, avec ma tasse de thé chaude à la main, tandis que tout mon petit monde dort encore.
A cette heure matinale où j'écris, tandis que Paris recommence à bourdonner autour de moi, je sais que là-bas, dans le Vexin, les champs de colza laissent déjà trainer dans le paysages des promesses de soleil. Il y a un petit village avec une belle église bien française. Dans la maison d'en face, contre le pignon sud, côté verger, les futurs boutons turbinés de "Madame Herbert Stévens" ne sont encore qu'un léger renflement sur les tiges palissées, gracieusement arquées en éventail au dessus de la porte qui donne dans la cour. Dans ce jardin de curé clos de hauts murs, ce sont les prémisses d'une saison de roses qui ira jusqu'aux prochaines neiges.
A présent que je l'ai quitté, qui se promène dans le verger du presbytère pour saluer le printemps ? Maintenant, maison et jardin, "j'ai cessé d'en être digne" comme disait Colette de sa maison d'enfance. Penser que les pierres se souviennent de nous qui les avons habitées, grottes, jardins, maisons, penser qu’il subsiste trace du passage des âmes sur terre, c’est comme si l’on croyait possible que la musique écoutée dans une pièce pendant des années soit capable d’en polir les murs, de changer leur couleur ou d’arrondir leurs angles.
C'est en nous que les maison s'impriment et leurs murs impavides ne se souviendront de rien. Nulle trace des enfants qui courraient là et que je voyais depuis le verger, à travers la fenêtre de la cuisine, réclamer leur petit déjeuner. Tandis qu'en moi la maison reste et restera, à toutes les heures du jours, dans l'humeur changeante des saisons. En moi, le soleil y tourne indéfiniment à travers les fenètres, d'Est en Ouest, de l'entrée au petit bureau, et va s'éteindre chaque soir si j'y pense, dans le bleu du salon. Je connais toutes les nuances de ses lumières, comme je connais toutes les roses futures, filles de ce petit matin de fin d'hiver, dans une autre vie, où le facteur me tendit au portail leur pied à racines nues, ensaché de gros craft timbré du sceau armorié d'une célèbre roseraie anglaise...
Un bel hommage à la mémoire et à la vie, à lire au moment du thé… avec de la gelée de roses, isn't it ?
Rédigé par : me de night | 25/03/2013 à 12h28