que les chats sachent toujours en face de quelqu’un, connu ou inconnu, s'il peuvent rester couchés le ventre en l'air, ou s'il doivent décamper d'un coup de rein ? Moi, ça m'épate toujours que ma chatte sache ce que je pense à son sujet avant moi. Mais au fond, je suis persuadée que nous, simples humains, avons la même capacité de jugement à notre disposition, ce flair, et j'en persuade mes clients. Voici ce que j'ai à dire là dessus.
Mon amie Christie me faisait remarquer que je parle cuisine dans presque tous mes articles. C'est pourtant vrai que je navigue dans la vie, comme chacun, avec mon bagage initial, et que celui-ci, composé essentiellement dès mon âge tendre, de souvenirs et d'observations de petite souris dans la cuisine de ma grand mère, me suggère toujours des métaphores culinaires pour comprendre la vie. En voici une pour illustrer ce que je pense du FLAIR.
J'ai fait la connaissance il y a quelques temps d'une fort agréable personne, qui ne demanderait apparemment qu'à me tenir de plus près. En tous points irréprochables, son attitude, son langage, toute son apparence ne sont que charme et cordialité. Pourquoi diable ai-je l'instinct de "décamper d'un coup de rein", je veux dire de tenir cette personne à distance? Je ne trouve comme réponse, que le rapprochement avec une menue aventure de cuisine (encore!).
Je suis très gourmande, j'adore manger, j'adore les bonnes choses, les belles associations de parfums, la cuisine avec du goût et des couleurs. L'autre jour, ayant commandé un plat alléchant dans un bon restaurant, je devisais tranquillement avec mes compagnons de table, surveillant du coin de l'oeil l'arrivée des assiettes avec un rien de fébrilité: j'avais faim! J'ai toujours faim! Mais la conversation était si prenante et animée que c'est presque distraitement que je défis le bel échafaudage fumant au centre de mon immense assiette et enfournais la première bouchée, tout en répondant à ma voisine.
En un instant, il se fit comme un silence en moi, un arrêt du souffle qui fit passer au second plan le joyeux raffut du restaurant. Le goût, dont le panache parfumé restait encore à l'arrière du nez, n'était pourtant pas mauvais. Je regardais le plat: magnifiquement dressé, trois brins de ciboulette paraphant le petit médaillon de lotte lustré de beure encore grésillant. Point de sauce incertaine, rien de suspect à l'oeil, rien à dire. Et pourtant...
Je porte une seconde bouchée, prudente cette fois, à mes lèvres. Je la touche seulement avec la langue... Je la repose, intacte: ma certitude est absolue. Je ne peux pas manger cela ! D'ailleurs mon corps s'y refuse, l'appétit a disparu, pire, la première bouchée avalée avec inadvertance (c'est bien fait pour moi! Je n'avais qu'à ne pas manger machinalement!) s'est changée en caillou dans mon estomac. Toute l'apparente harmonie de l'assemblage artistique m'apparait soudain pour ce qu'il est: un camouflage criard destiné à receler la négligence, la médiocrité et même le crime organisé: des produits frelatés !
Je fais une confiance absolue à mon instinct en face de toute nourriture, préparée ou brute. Je n'ai rien à penser: JE SAIS. Autour de moi, personne ne bronche, chacun avale malgré mes mises en gardes, ce qui ne me surprends pas, et 3 sur 4 seront bel et bien malades avant la fin de l'après midi !
De même, mon instinct est sûr en face d'une personne qui ne me serait pas bénéfique. Un mystérieux signal m'avertit toujours. Je flaire quelque chose qui, pour être indéfinissable, n'en est pas moins réel et m'averti aussi surement qu'un panneau de sens interdit dans une ruelle! Je peux choisir d'écouter ou non cet instinct, mais si je décide de passer outre, il y a toujours un moment où ce qui m'a rebuté dès l'abord sans raison tangible ressurgit distinctement, un moment où je me dis: "Ah! Nous y voilà! Maintenant, il va se passer ceci, et cela, et voilà comment je vais être trahie".
Trop tard pour éviter le coup de griffe, mais non pas trop tard pour observer, pour apprendre, pour ranger cette précieuse perle d'expérience à coté de ses soeurs, sur le long collier de ma vie. Pas trop tard pour renforcer encore cette confiance dans mon instinct: le flair qui nous fait pareils aux bêtes, à ma chatte qui déguerpit a l'instant même ou je la regarde avec le mauvais dessein de la fourrer dans sa boite de voyage. Je sais pourquoi je tiens cette personne à distance, ce n'est pas du tout parce que je suis méfiante de nature, non:
c'est parce que j'ai du flair
gros comme une maison !
Oh oui! oh oui, Christie ! Je vois bien ce que tu veux dire ! Sois prudente ! Le tout avec les affects, c'est de s'approcher de ce qui nous passionne, mais sans se laisser trop roussir le poil Pas facile!
Rédigé par : caroleperle | 09/10/2012 à 16h15
Merci ma Carole pour ce beau billet. Moi aussi j'ai fait la rencontre d'une femme attirante, avec des yeux magnétiques, qui voudrait me revoir et dont tout moi hurle qu'elle ne me veut pas trop de bien.
Il y a le flair
et il y a l'attrait du danger
la curiosité
toutes ces sorcières auxquelles il est si difficile de claquer le bec...
Rédigé par : Christie | 03/10/2012 à 11h53