Regard
Un peu d'humain tous les matins
Ce qui est bien quand on prend le bus, c'est qu'on voit le paysage parisien, d'accord. Mais ce que je trouve vraiment touchant quand je prends le bus, c'est quand le conducteur ATTEND les gens. Et il le fait presque à chaque arrêt ! J'ai demandé hier matin au chauffeur combien d'arrêts il fait par jour. Il n'en avait aucune idée. Mais on a calculé ensemble: environ 200 !
Près de 2OO fois par journée de travail,
ce conducteur, comme des dizaines de ses confrères, attend des personnes qui se dépêchent, qui courent et montent essoufflés dans le bus, avec un sourire de connivence, un remerciement et encore une petite appréciation sur la pluie insistante, la chaleur, ou ce temps toujours pressé !
200 fois par jour,
il permet à des gens de ne pas arriver en retard, il prend quelques secondes pour eux, pour les arranger, pour rendre le bus plus commode et son travail plus humain. 200 micro relations naissent chaque jour sur le seuil de son véhicule, entre les usagers reconnaissants et lui. Et soyons assurés qu'il en prend seul l'initiative, poussé par... on ne sait quoi: son bon sens, son coeur, un besoin vague mais toujours vif de se sentir utile et gratifié d'un sourire...
Ou encore à cause de "ces lois inconnues..."
dont parlait Proust, lois mystérieusement inscrites en nous, qui nous poussent à achever un travail difficile, à se donner de la peine pour autrui, à faire de notre mieux pour le bien commun, à aider son prochain dans les circonstances les plus minuscules (" Madame! Madame! Vous avez fait tombé votre carte bleue!"), à se dévouer pour des inconnus... à rouvrir les portes du bus pour un retardataire. Ces mêmes lois intérieures, écrites nulle part, qui poussent à défendre au prix parfois de sa vie des idéaux ou des êtres.
Et tenez vous bien,
ce héros des temps modernes, bravant les interdits du règlement dont il est garant et surtout (surtout !) la nuée toujours menaçante des "problèmes d'assurance", dont la moindre évocation stérilise la plupart des initiatives humaines aujourd'hui et justifie pas mal de lâchetés, ce héros donc quand il y a des embouteillages, va jusqu'à ouvrir les portes du bus au feu rouge pour permettre aux personnes pressées de continuer à pied!
Oui, il fait ça!
Un acte authentique de rébéllion qui proclame en silence et en actes que les règlements sont faits pour les gens et non l'inverse ! Un véritable défi au "Système" tout entier! Surtout peut-être, un besoin chevillé au corps d'"être en relation", d'être un humain dans ce monde qui semble vouloir à tout prix se déshumaniser, c'est à dire un être encore capable puisque c'est inscrit dans son ADN d'humain, de considérer l'autre comme un autre soi-même, de le prendre en compte et d'avoir envie d'entrer en contact avec lui, si fugitivement que ce soit.
"La relation est au coeur de l'ontologie"
écrivait Emanuel Lévinas. Dans notre coeur à tous il y a ce besoin, fondamental et pourtant oublié de tous les "systèmes". Chaque petit acte individuel, chaque initiative qui crée de la relation est un acte de foi et de résistance. A la porté de tous, tous les jours, existent ces multiples et minuscules possibilités de joie, comme celle dont je me sens remplie par empathie quand
le conducteur attend quelqu'un à l'arrêt du bus...
Bravo pour ton article.
Rédigé par : autocollant deco | 16/09/2012 à 17h54
et oui si tout le monde avait ce sens, cela n'emmène pas forcément la joie , souvent une source de stress dans ce monde de rapidité
Il y a des jours ou on n'a pas envie de tendre la porte, d'être patient ...
Rédigé par : Antoine | 14/05/2012 à 18h13
Très chère Carole,
Encore une fois ta délicatesse de fée à l'écoute de la magie du monde me touche et j'aime la poussière d'or dont tu recouvres nos vies, ma vie à chacun de tes mots ...
Nous n'avons pas à créer de la relation mais à simplement accepter, comme tu l'écris, d'être en relation et de cesser cet absurde déni social. Nous avons besoin de savoir que notre comportement, nos actes nourrissent en permanence ces relations ... et que par conséquent, elles vivent de ce que nous décidons d'y mettre.
Je t'embrasse.
Rédigé par : Frédéric | 14/05/2012 à 17h41