Regard:
Filer la paille en or !
Je suis au sud, Paris a disparu! Hop! Basculé dans la géhenne derrière mon épaule !
Impossible
quand je suis ici d'imaginer là-bas autrement que comme un tourbillon noir, tout brillant d'asphalte mouillé où dansent les lumières de la grande ville. En disant le mot Paris, se dressent des images de vertiges grinçants, de courses haletantes qui surmènent le coeur, écrasent le souffle. En partant, j'ai l'impression d'ôter enfin de mes pieds "Les souliers rouges" ensorcelés, ceux qui me font danser la danse du diable !
Ici, c'est la lumière
et l'air doux, c'est le soleil dès le saut du lit. C'est le temps qui joue à l'aise entre le matin et le soir, ce sont les longues nuits. C'est la lenteur qui me rattrape et m'arrête à chaque pas pour un baiser, qui me prend dans ses bras sensuels. C'est l'hiver souriant qui m'attend pour la promenade devant ma porte, sous l'énorme noeud de la glycine dénudée, et me caresse le visage par bouffées parfumées aux pins, au feu de bois, à la pierre chauffée.
Ici, je fais la cuisine
pour le plaisir, en parlant des choses de la vie avec mes filles, par-dessus les pâtes à gâteaux ancestrales. Dans l'embryon de cuisine, s'élaborent les savoureuses inventions destinées aux festins légers et guillerets renouvelés plusieurs fois par jour, comme dans tout bon pays de cocagne. On déjeune sur la terrasse parce qu'il fait tellement bon !
Ici, je fais mon miel
en butinant dans les rayons de bibliothèque qui maçonnent les murs de la salle à manger. Ici c'est vivre, c'est avoir une tête pour penser, un corps pour sentir, une vie bien à moi pour faire jaillir ce que je sens frémir au bout de mes doigts.
Ici, c'est la vraie vie
où je m'entends réfléchir aux choses importantes qui concernent ce que j'assemble patiemment pour le transmettre: mots, histoires, expériences, idées, écrits, dessins. Mes livres-trésors, ceux qui me suivent partout, rapportés dans mon infatigable valise à roulettes, sont les coffres remplis des sequins et des perles dont je rebroderai à loisir tout mon ouvrage.
Ici, tout à loisir,
je travaille. Mais ça ne devrais pas s'appeler travailler, parce que j'y ai tant de plaisir, malgré les difficultés à chaque pas. Disons que je transforme les matériaux les plus divers et parfois les plus quotidiens pour en faire des images parlantes, des vues éclairantes, des enseignements stimulants. Du moins telle est mon intention !
Mais oui, comme l'héroïne du conte Outroupistache,
on peut filer la paille en or !
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