Coaching diary:
L' Habit du diable
Elle sonne à la porte de mon cabinet, où je l'attends. Elle est bouleversée. Elle me raconte qu' après 12 ans et 2 enfants, elle est en train de découvrir que son mari n'est pas l'homme qu'elle imaginait. Elle est révoltée et effrayée, non parce que cet homme est affreux, mais simplement parce qu'elle s'est trompée sur lui. Et elle réagit comme si c'était lui qui l'avait abusée!
Il y a plusieurs couches dans la manière dont on perçoit les gens, surtout nos proches. Il y a le vêtement social dont ils se drapent eux-mêmes: la "persona". Et puis il y a les déguisements dont notre propre regard sur eux les habille. Ceux-là, nous les créons tout spécialement à leurs mesures. Comment? En leur attribuant des qualités, défauts, caractères ou desseins qui sont ceux que NOUS avons besoin qu’ils endossent à nos yeux, pour le rôle qu’ils tiennent dans notre vie. Ces déguisements-là sont les plus opaques.
Ces habits, tels que nous les avons étroitement ajustés sur nos proches, il leur arrive fatalement un jour de craquer aux entournures. Notre volonté de voir le personnage que nous avons créé et non la personne est si fort que souvent, nous ne remarquons même pas ces incidents, comme au théâtre on parvient en adoptant une convention, à faire comme si la scène était à Venise, et les personnages ceux de la Comédia del Arte.
Mais à la longue, par les déchirures de l’habit que nous lui avons nous-même cousu, on ne peut éviter d’apercevoir l’être lui-même, sous des couches et des couches qui modifient sa forme. Il arrive qu’aux bords de ces déchirures fortuites, on s’arrête comme aux portes entrouvertes de l’enfer. Non parce que l’être est lui-même si affreux, pas du tout! Mais parce que, quoi qu’il soit, nous avons voulu nous le cacher à nous-même pour une raison ou une autre, qu'il serait d'ailleurs urgent de découvrir.
Alors que se passe-t-il ? Prend-on la fuite, épouvanté ? S’intéroge-t-on sur cette révélation, sur cette anomalie choquante ? Pas du tout. On s’assied sous la lampe, au milieu du salon, au milieu de la relation qu’on partage avec cette personne, au milieu de l’ordinaire le plus ordinaire de la vie. Et là, vite et minutieusement, on se met à recoudre le vêtement du diable. Et on s’applique tant que l’habit est comme neuf!
Et ça dure. Des années. Des années! Les choses ne changent que lorsque le vêtement n’est plus réparable. Après avoir désespérément tenté de le rapiécer encore une ultime fois, on abandonne. Cette jeune femme est simplement arrivée à ce point. Elle ne peut plus ne plus voir son mari tel qu'il est, et ce n'est pas lui qu'elle a cru épouser! Quand elle parvient à discerner cela, sa colère se retourne contre elle même. Il faudra ensuite qu'elle se pardonne, et puis qu'elle accepte la fin.
La fin de l'amour? La fin du couple?
Pas forcément: mais la fin de l'aveuglement, la fin des projections, et c'est tellement plus difficile!
Source photos Weheartit
Votre texte me semble si pertinent, votre analyse juste.
Peut-être que lorsque l'on s'approche de soi, davantage, au détour d'un retour profond sur soi, on s'approche aussi davantage de l'autre et les projections tombent, au moins les plus grossières
Rédigé par : l(ady) Bernadette | 09/05/2011 à 21h18
Je ne sais pas, Jack. Rien n'est systématique, c'est toujours de l'humain et de la vie. Je me borne à témoigner et à réfléchir à voix haute sur ce que je crois distinguer dans le tourbillon de sable qu'est la vie. "Retirer nos projections" comme dit Jung et aimer quand même, c'est bien difficile. Mais c'est possible, je l'espère. C'est un chemin, c'est tout.
Rédigé par : caroleperle | 05/05/2011 à 12h06
Est-ce systématiquement vrai? systématiquement le cas ? Ne voit-on jamais la personne telle qu'elle est réellement? N'existe-t-il pas de rencontre tellement évidente qui nous invite à penser que la vie, si nous l'écoutons est capable de mettre sur notre chemin celui ou celle qui nous correspond tel quel ???? et que l'on perd parfois car on ne sais voir ou veut voir l'évidence? sans pour autant l'avoir habillé autrement...mais parce que, simplement on n'a pas su voir, on a eu peur d'être aimé, d'aimer ?
Rédigé par : Jacques | 05/05/2011 à 07h47