Coaching Diary:
Type "Pensée": Le cas d'une femme de tête
Les sentiments peuvent faire des ravages, surtout quand ils sont inconscients.
C'est parfois le cas quand une personne est du type "pensée" (selon la typologie junguienne qui comprend aussi le type Sensation et le type Intuition, et le type sentiment). Sa "fonction sentiment", à l'inverse de son intellect très agile et apte à rationnaliser, gît alors dans l'obscurité de l'inconscient et "machine" la personne de l'intérieur, le plus souvent sans qu'elle se rende compte de ce qui s'agite en elle. Elle ne "sent" pas son sentiment. Si par hasard elle vit quelque chose de très fort, un deuil, un accident ou une passion, soudain elle va se mettre à "sentir" vraiment, et c'est si rare et innatendu, si merveilleux, que cela peut littéralement la fasciner...et faire des ravages. Voici un exemple:
C'était il y a deux ans.
Pendant un moment, j'ai regardé cette jolie jeune femme m'expliquer comment elle avait, 2 ou 3 ans plus tôt, quitté mari, travail, enfant, indépendance, pays, pour suivre un étranger brutal qui la trompe et la vole. Elle le hait et elle l'aime. Elle le quitte et le rejoint sans cesse. Elle pourrait le tuer un jour, si elle pouvait espérer s'en délivrer ainsi. Je l'écoute me parler aussi de son ex mari qu'elle aimait, qui l'adorait et la protégeait, mais pour lequel elle restait inexplicablement sans désir. Et de ce nouveau fiancé qui lui ment et la manipule, mais dont elle ne peut se détacher à aucun prix. Elle souffre comme une damnée. Elle se juge plus sévèrement que quiconque. Elle a abdiqué tout honneur, tout respect d'elle même. Mais honneur, respect, estime de soi, cela n'a plus cours déjà. Ce ne sont plus là que des ressorts cassés de son âme.
Je lui ai dit l'image qui me venait: celle d'une balance. Dans le plateau de gauche tout ce qu'elle a laissé, tout ce qu'elle a perdu, toute sa vie: mari, enfant, famille, travail, amis, dignité, projets, avenir... Dans l'autre...Dans l'autre plateau, il y a... Mais que diable peut-il bien y avoir qui fasse le poids? Je ne comprends pas. Elle me raconte et je ne vois qu'une relation banale, des promesses trahies, un homme assez médiocre... L'Amour? Oui, peut être... L'amour est un si grand mystère. Mais cela reste froid pour moi et obscur. Je ne sens rien.
Ce qui la fait le plus souffrir est sans doute d'être à elle-même une énigme. C'est cette souffrance qui m'appelle, que j'entends se plaindre dans l'accent plus que dans les mots. Elle émerge et se déploie subtilement comme un motif lointain dans un aria. C'est à cette souffrance-là que je réponds, et pour la laisser s'expliquer directement avec mon coeur, je fais taire le bon sens obtus, la logique blessante, les arguments rationnels, toute forme de sermon, la morale, l'honneur, même le respect humain. Tout cela fait trop de bruit et j'y ferme mes oreilles intérieures. Je n'écoute plus que cette énigme dans un accueil inconditionnel, pur de tout jugement.
Je la laisse parler, parler. Et soudain, l'émotion passe, ça s'ouvre! Je comprends! J'ai compris! Ce qu'il y a dans l'autre plateau de la balance, je le sens plus que je ne le pense, c'est...mais oui, malgré les apparences, c'est un bonheur incroyable, inespéré, providentiel! Un bonheur qui vaut toutes les souffrances et justifie les choix les plus douloureux. Un bonheur qui la traverse et la galvanise. Un bonheur qui même dans les larmes et la rage, la fait vivante jusqu'à la moelle des os. Elle pourrait mourir de ce bonheur là, tant il est ineffable! Alors que lui importe de n'être pas heureuse! Heureuse? Mais dans le terrible malheur qui accable sa vie et la courbe toute devant moi, qui a détruit bien des choses autour d'elle et en elle, comme seul le feu peut détruire et purifier, l'idée d'être heureuse est loin, bien loin de ce qui l'occupe.
Ce qui l'anime et la saisit comme un vertige, c'est une sensation bouleversante qu'elle n'avait jamais connue, car elle est plutôt ce qu'on appelle "une femme de tête". Une sensation que cet homme-là, par un mystère qu'il ne servirait pas à grand chose d'élucider, est seul capable de déclencher qu'il le veuille ou non, qu'il soit présent ou loin, qu'il l'aime ou l'abandonne, qu'il la rende heureuse ou pas. Ce qui fait le poids dans l'autre plateau de la balance, la miraculeuse expérience qui bouge au fond de ses tripes et a changé radicalement son échelle de valeurs, son regard sur toute chose et la totalité de son existence tient en trois mots: SENTIR SON SENTIMENT.
Elle sent, elle sent son sentiment s'agiter, remuer enfin! Et ça la transporte de joie! Son sentiment, cet absent de toute son histoire, cet hôte muet de son âme, cet inconnu magnifique qui dormait en elle depuis toujours, le voilà qui se dresse et l'empoigne de l'intérieur, la secoue et la submerge. Le voilà qui lui rend la vie, fut-ce dans les affres torturants de la jalousie, de la trahison ou des coups! C'est comme ça, et ça vaut tout le reste! Elle sent son sentiment! C'est tout, et c'est vraiment TOUT! Et alors la vie afflue en elle, elle connait ce que veut dire exister.
A la lumière de ce que je viens de pressentir, je la questionne avec précaution. Elle met un petit temps à parcourir le même chemin que moi et quand elle y est, quand elle comprend, elle se fige, stupéfaite, la bouche ouverte comme une enfant, les yeux fixes. Elle me regarde sans me voir. Puis elle éclate d'un rire heureux et délivré. Son visage est illuminé par la joie et le soulagement d'être comprise, de pouvoir enfin, enfin surtout se comprendre elle-même! "Oui, oh oui! "dit-elle, "C'est ça! c'est ça". Elle rit, transfigurée. Nous rions toutes les deux en joignant spontanément nos mains par dessus la table.
Ce n'était pas la résolution, ce soir là! Oh, non! Seulement la première marche d'un long escalier à gravir.
Au debut de l'article je pensais que tu parlais de moi... ;-) mais non! car il y a quelques années je n'avais pas tout quitté pour un amour (bien que pendant cette période tourbillonnante les rencontres étaient fréquentes), mais pour un désir de liberté et de vouloir recontacter la VIE en moi, avec ses risques de souffrances, de passages difficiles, de joies et de larmes! Quelle sensation de force retrouvée, de sortir du moule des conventions qui endorment, qui anesthésient notre véritable nature d'êtres humains/divins! Aujourd'hui j'en suis à chercher l'équilibre entre ce désir total de liberté et une continuité dans les rapports affectifs, un nouveau travail, les défis de la vie au quotidien. La vie est une oeuvre d'Art!
Rédigé par : Antonella Verdiani | 07/04/2011 à 19h04
Oui, Sylvie, on peut lier les deux. Sauf que précisément, cette femme a dit OUI à elle-même, avec toutes les conséquences qui s'ensuivirent.
C'est bien vu de dire qu'il faut opérer un déplacement vers d'autres centres. Peut -être continuerai je de raconter cette saga et la manière dont elle s'est écrite. Il faut que j'en demande l'autorisation à la personne concernée.
Rédigé par : caroleperle | 06/04/2011 à 09h21
Quelle belle image, Lou. C'est vrai que la relation d'aide, la relation tout court, ressemble à un pas de deux, une danse amoureuse. Je dis amoureuse par défaut d'un mot plus approprié qui dirait le mouvement vers l'autre, l'abandon, la conjugaison, des forces et des fragilités, la vibration à deux, toujours différente. La pensée, l'analyse, la classification s'élancent toujours et veulent passer de plein droit les premières. Mais je sais , j'ai lentement appris à les faire attendre aussi longtemps que nécessaire à la porte, pour laisser d'abord entrer l'image. Les images viennent et parlent toujours juste. Et à leur suite, le ressentit, profond, lent (par rapport à la fulgurance de la pensée) si lent à se manifester, à prendre forme, à émerger pour être enfin saisissable par le langage, utilisable pour donner un feedback. Tellement plus lent, mais tellement plus vrai, plus pur. Il faut prendre le temps de l'élucider à chaque fois. Et pour y arriver, lâcher tous les appuis habituels, habitudes de penser, jugements mécaniques, morale inconsciente. Seule existe la vérité psychologique. Danse amoureuse n'est pas un mauvais terme.
Rédigé par : caroleperle | 06/04/2011 à 09h05
L’image qui me vient : celle d’une danse, deux femmes, l’une pieds nus, tête nue qui s’embrase, se consume, se perd, se cherche sur la piste ; l’autre, appelée par cette furieuse ronde blessée cherche aussi ce chant mystérieux, esquisse des pas de blues tend les mains hard rock recule slam prend une diagonale jazz cherche et finalement, si « simplement » et si admirablement, enlève ses chaussures et ressent, le « sent plus qu’elle ne le pense » … .
Une première marche gravie, un seul pas mais quel pas !!!
Rédigé par : Lou | 05/04/2011 à 22h37
peut-être la possibilité pour cette femmme d'élaborer alors un déplacement vers "autre chose" que cet homme, vers une passion qui lui permette de s'exprimer et non pas de se détruire...
Rédigé par : sylviee | 04/04/2011 à 17h27
Quelle belle Médiation !
ha, "accoucher" de soi,des ses "multiples" petits "soi" rabougrit, qui s'agrippent aux branches des mémoires de nos domestications...
Quelle vitalité bienfaisante quand, au plus obscure de son jardin délaissé, la racine qui nouait l'indicible, l'incompréhensible, sort de sa terre oubliée. Tout ce met à revivre, à sentir "bon", la contrée entière reprend son souffle, s'emplit d'une fluidité nouvelle, le "feu" de la conscience pourra continuer son oeuvre...
Magicienne, Chamane, Accoucheuse, Médiatrice, Coach, peut importe l'étiquette, quand notre humanité se partage et s'éveille mutuellement il n'y qu'a que la fête de l'amour, l'amour d'être vivant !
Rédigé par : Boulay Gilles | 04/04/2011 à 09h36
Bien joli texte, bien jolie analyse, bien bon coach.
Rédigé par : la belette | 02/04/2011 à 23h49