Cet article est en fait une lettre que j'ai adressée à une chère amie coach marocaine il y a quelques mois.
La lettre vient de paraitre dans FEED BACK un journal dédié au coaching.
Ma chère
Aïcha
Pour ce que tu dis du coaching en
général, qui fleurit de toute part dans une sorte de pagaille, tu as raison. C'est
vrai que ce métier est loin d'être encore structuré et normé. En particulier,
tu es outrée à juste titre que des personnes, parfois des jeunes gens de moins de 30
ans, se lancent après seulement quelques semaines de formation. C'est juste, ils
n'ont pas la maturité nécessaire et ils ne sont pas formés suffisamment pour
être réellement les experts de la relation qu'ils devraient être pour être
appelés des coachs, et des bons coachs. Ils font du tors à toute la
profession, et hélas on peut le craindre, à leurs clients, apprenant sur le tas
aux dépends d'eux, comme ces jeunes chirurgiens de l'armée qui se faisaient la
main pendant les batailles.
Mais si on le considère d'un peu
plus haut, je veux croire que ces futurs coachs ont acquis, même un petit peu d'une compétence relationnelle ou
d'une connaissance de soi meilleures, et les conséquences pour eux-mêmes et pour
ceux qui les approcheront dans leur sphère professionnelle ou personnelle sont
incalculables. Je dirais même que le fait que tant de gens souhaitent faire ce
métier est un signe des temps d'une portée peut-être bien plus grande qu'il n'y
parait. Bien sûr, il y a les bons et les moins bons, comme dans tout métier,
mais là n'est pas le coeur de la question.
A une échelle plus générale, si on
considère l'époque et ses besoins de changement, que tant de gens souhaitent se
former au coaching me semble une conscience nouvelle d'un besoin ou du moins un
appétit, un tout premier petit pas en direction de plus de
compréhension des lois de la vie, de plus d'altruisme, de plus de psychologie,
de plus d'Eros enfin, dans ce monde qui en a bien besoin. Cet Eros, c'est bien
là le féminin dont notre civilisation a soif.
Selon une métaphore de Vincent Lenhardt que
je trouve très juste, " Le coaching
est à la relation ce que l'imprimerie fut à la littérature".
C'est très juste, il s'agit de la montée générale d'une compétence d'une portée
capitale à travers la société d'une époque qui a besoin d'avancer, de se sortir
d'une ornière. Peut être a-t-on besoin de se sortir d'un moyen-âge relationnel,
pour susciter tous ces professionnels de la relation !
Le coaching,
je le vois dans l'avenir comme une alphabétisation de la relation, une
connaissance qui se vulgarise, se répand, devient chose commune et non plus
réservée à une élite (comme l'était l'écriture réservée aux religieux, aux
écrivains publics et à de rares érudits). Les gens ordinaires ont appris à lire
et à écrire. Un jour, ces nombreux "nouveaux coachs" comme il advint
des écrivains publics, ne seront plus nécessaires en tant que coachs, ils se
fondront dans la masse croissante des "lettrés de la relation" puisque
tout un chacun aura appris le B-A-BA relationnel, son lexique, sa grammaire et
sa syntaxe. Ils apporteront simplement leur savoir et une humanité plus vive à
tout ce qu'ils toucheront.
Il y a de grands écrivains et nous
en avons bien besoin, malgré que tout le monde sache écrire. De même il y aura
toujours de grands experts de la relation, les sages de notre époque peut être,
mais quelle belle promesse que celle d'un monde tourné vers la relation et
en ayant, individu par individu, les moyens. Même seulement de meilleurs moyens
seraient déjà un progrès , ne crois tu pas ?
CT ( CT pour Coach & Team, la formation au coaching Transformance) est une sorte de Gutenberg de la
relation, non ? Après avoir formé depuis 25 ans par milliers des coachs de
qualité, mais aussi des DRH et des dirigeants dignes de ce nom, cette formation fera je
l'espère plus encore pour la postérité en inspirant des pédagogies différentes
dans nos écoles, en ouvrant les yeux et le coeur des maîtres et des parents sur
la place centrale de la relation en matière d'éducation, dans l'acquisition des
connaissances et des compétences de vie. C'est véritablement une "éducation à la joie", telle qu'en parle mon amie Antonella Verdiani dans son brillant essai sur le sujet.
Ou bien une pédagogie de la
transformation telle que la crée et la met en oeuvre Transformance, en viendra,
c'est déjà en bonne voie, à toucher la politique, d'abord au niveau des
politiques d'entreprises et ensuite, bientôt, au niveau des états. Je sais que
ça touche déjà de grandes institutions, même au Maroc!
L'éros est une puissance de paix
parce que c'est une puissance de vie, et le voir se répandre ainsi, comme une
trainée de poudre, à travers ce nouveau métier qui cherche ses marques, et le
nombre toujours croissant de ceux qui se sentent attirés par lui, on peut être
sûr que notre époque en a bien, bien besoin !
Comme un animal malade se
jette d'instinct sur la plante qui peut le guérir, le "corps social"
découvre apparemment le coaching comme une possibilité de luter contre
l'entropie générale en acquérant les seules compétences peut être capables de
lui faire front : les compétences relationnelles. Notons que ce sont des
compétences accessibles à toutes les bonnes volontés, individuellement, directement,
et non plus en passant par des institutions sociales, politiques, médiatiques, des
dogmes ou des mouvements de masse.
"
Une civilisation de l'empathie" a
écrit Jérémie Rifkin, c'est peut être vers quoi nous aident à nous diriger
l'armée croissante de ces "coachs" ! Regarde et rends toi compte
comme je le fais : il suffit à un manager d'avoir été bien coaché pendant
quelques mois de sa vie pour en être fortement marqué. Dans les entretiens que
je mène pour recruter les participants des promotions CT, c'est une constante:
beaucoup ont bénéficié d'un coaching et ont trouvé cela si riche, si
passionnant, si agissant surtout sur leur vie dans son ensemble, qu'ils veulent
à leur tour devenir coach, faire pour d'autres ce qu'on a fait pour eux,
transmettre, de la main à la main, de bouche à oreille, ce qui pourrait bien
être une flamme.
Extraordinaire, non ? Touchés ! Ils ont été touchés ! Sans
prosélytisme pourtant, car aucun coach n'ira pousser son clients à
devenir coach. Touchés par une autre façon, plus profonde, plus vraie de voir
la vie, de se conduire avec les autres, d'être, de faire, d'être en relation
avec soi et le monde. Si ce n'est pas une grâce, ça ! Comment cela
n'aurait-il pas, à la longue, un impact sensible sur le cours des choses ? Ce
serait à désespérer !
Le coaching a un grand avenir, je
crois. Le besoin, comme l'affirme Vincent, en est infini. Il suffit de
regarder autour de nous la misère relationnelle du monde du travail, et même des
relations familiale ou de couple, pour en être persuadé. Les
"formes", je veux dire à la fois les coutumes, les institutions comme
celle du mariage par exemple, de la famille nucléaire, et toute la cohorte des
conventions, ne "tiennent" ni ne retiennent plus rien à l'intérieur
de leurs limites, qui ont si longtemps prévalu pour le meilleur (structurer les
communautés humaines) mais aussi le pire (écraser l'individu). Les repères
qu'elles constituaient, longtemps évolutifs à travers les âges, ne sont plus en
train d'évoluer mais se délitent.
Une morale personnelle, et non plus principalement
collective (sociale ou/et religieuse) devient indispensable à ceux qui ne
désirent pas vivre lamentablement ballotés de droite et de gauche par les
évènements de leur vie ou ceux du monde, et ce que les journaux ou la télévisions
leur recommandent d'en penser.
Le coaching, tel qu'il est enseigné
dans les meilleures écoles, pratiqué par les meilleurs coachs dont tu fais
partie ma chère AÏcha, a le mérite d'induire l'individu qui y goûte à
construire SON jugement personnel et moral. C'est ce paradigme qui vient
l'aider à se diriger par lui-même, à fonder son action sur le meilleur de
l'humain, sur lequel il s'autorise enfin à compter de nouveau, à commencer par
le meilleur de lui-même. C'est ce paradigme qui vient l'aider à oeuvrer dans le
sens de la vie, de l'Eros.
"Tous
coachs!" Cela
ferait un bon titre de livre, tu ne trouves pas? N'est-ce pas finalement ce que
nous pourrions souhaiter de meilleur au monde que nous allons laisser à nos
enfants : un monde de coachs ? Ce legs ne serait rien de moins que la capacité
communément partagée de penser sa vie, de penser le monde et d'être en
relation.
C'est à nous de le dire à ceux qui veulent
devenir coachs sans avoir tout a fait compris la porté de leur désir, ni perçu
le mouvement sociétal de fond duquel ce désir participe. Car c'est cela que nous
portons, nous qui avons pris la peine de nous former longuement, de revisiter
notre vie et notre expérience pour les rendre disponibles, comme des ressources de
survie, à qui sur notre route en aura besoin. C'est notre responsabilité.
Et ça en vaut la peine,n'est ce pas ?